Noël

Les archers, dans la nuit, font valser langoureux
Vos esprits en mon cœur et je vois au dehors
Des paillettes glacées parées de reflets d’or
Voltiger dans les airs en ballets vigoureux.

Je ferme alors les yeux et Chopin au piano
Elégant fantaisiste illumine les lieux
M’offrant votre chaleur et l’on ne pourrait mieux
Sentir votre présence au bout de ces canaux
Qu’il ouvre dans mon âme en accords harmonieux.

En ronde nous dansons sur un lac enneigé,
Les cygnes dans leur grâce accueillent notre fête
Et posent, distingués, de grands loups sur nos têtes ;
Leur souffle nous indique au loin la mer Egée :
Pourrions-nous voyager jusqu’aux trésors de Crête ?

Ou bien tout simplement à l’abri des dangers
Rire et puis partager dans nos grandes assiettes
Tous les succulents mets dont on ne laisse miette ?
La lune n’oserait pour rien nous déranger !

Jouissons du feu ardent qui consume nos chairs
En ce jour de Noël hors du temps citadin :
La ferveur des pensées, celle des paladins,
Anime notre joie de mille et un éclairs !
Vous m’accompagnez tous, pareils aux astres clairs
Et je sens votre Amour, aussi doux que le daim,
Répandre puissamment ses bienfaits dans mon air.

Noirceurs Parisiennes

Univers ambigu renversant les tabous,
Ton atmosphère étrange entretient les esprits
D’une quête assoiffée ne connaissant de prix !
Mais quel Démon coquin les fait tenir debout ?

Cadences endiablées des galères Romaines
Aux accents lancinants tout aussi fracassants,
Vos rythmes aliénants et pourtant peu dansants
Voient de nouveau le jour dans la boîte inhumaine…

Oh ! Pantins bien charnels dénués de raison :
Que de pitié j’éprouve en scrutant la candeur
De vos faits amoureux empruntant les odeurs
A la bestiale envie de la folle saison !

Vos âmes payeront la douloureuse histoire
Née d’un affreux brouillon de lyres métalliques,
De falsifications, d’attirance électrique
Germés dans l’inconscient le temps d’un sombre soir…

Célébrité

Une heure, une minute, une seconde : enfin !
Le rideau se soulève et je deviens acteur ;
Finis les battements qui affolaient mon cœur,
Devant les projecteurs j’accomplis mon dessein.

Jeu de jambe précis, verbe mélodieux,
Je fais vivre le texte et mes lèvres s’enflamment
Au génie de Racine auquel je tends mon âme :
Peut-être attirerai-je un jour le vent des Dieux ?

Si justement ce vent, divin, libérateur
Soufflait sur mon plancher pour ravir le public
Alors célèbre enfin d’Asie en Amérique
Je serais applaudi pour mes talents d’acteur.

Cependant de théâtre il n’y a que ma chambre,
Le texte n’est qu’un livre étendu sur mon lit,
Je scrute quatre murs sur lesquels en folie,
Mon public accroché, des cieux me fait des cendres.

Une larme

Je souffre de ne pas pouvoir laisser aller
Mes sentiments vers celle auprès de qui je veux
Dédier tout mon temps et exposer mon vœu
De vivre à ses côtés sans alors l »affoler.

Elle a peur de mon être et de ses envolées
Lyriques lorsque j’ai le besoin de la voir
Mais j’aimerais pourtant, entier, ne pas avoir
A freiner mes ardeurs au lieu de convoler.

Une larme a coulée de mes yeux médusés
Ce soir où maladroit je vins pour la surprendre,
Une larme a coulée : j’étais désabusé
Lorsqu’elle n’a voulu accepter mes mots tendres…

Ronde éternelle

Je t’aime ô toi la vie, je t’aime ô harmonie,
Tu me donnes l’envie, l’envie d’aimer les fleurs,
M’élèves en douceur avec parcimonie,
Moi qui ne suis qu’un homme, un homme empli d’erreurs
Tu m’offres l’odorat pour goûter tes senteurs…

Je t’aime ô toi la vie, je t’aime ô délicieuse
En enfant tu m’émeus, m’émeus en mon doux cœur
Et m’envoie enchantée, la femme radieuse,
Moi qui ne suis qu’un homme, un homme en tout malheur
Tu m’offres le toucher pour avoir ta candeur…

Je t’aime ô toi la vie, je t’aime ô festival,
Si tôt j’ouvre les yeux, les yeux sur mon humeur
Que tu me fais danser au sein du plus beau bal,
Moi qui ne suis qu’un homme, un homme fait de heurts
Tu m’offres le regard pour croquer tes saveurs…

Je t’aime ô toi la vie, je t’aime ô ambroisie,
Tu me berces gaiement dans tes flots de bonheur
Et j’apprécie tes mets d’Europe ou bien d’Asie,
Moi qui ne suis qu’un homme, un homme avec ses peurs
Tu m’offres tous tes goûts pour jouir de ta fraîcheur…

Je t’aime ô toi la vie, je t’aime ô symphonie,
Tu es à mon écoute et m’aide en ta chaleur,
Tes chants de réconfort m’apportent mille envies
Moi qui ne suis qu’un homme, un homme de douleurs
Tu m’offres ta douce ouïe pour être ton sauveur…

Salé Sucré

Nantes la superbe était un doux refuge
Et la France en son sein m’a logé bienveillante,
Belle alcôve onirique où, glisser sur la pente
Ne vous mène séant à la robe d’un juge.

J’ai gardé de la ville un souvenir diffus
Pour n’avoir découvert tous ses charmes secrets.
Peut-être aurais-je du me rendre moins discret,
M’émerveiller de tout, sans cesse être à l’affût ?

Le temps était pour moi un étrange diner.

Oui ! J’ai eu cet honneur : parler avec un Ange…
Et il m’a confessé lors de nos discussions
Que d’Amour pour mon être il en était question.
Mon âme a voyagé bien au-delà du Gange.

Les secondes pour moi avaient un goût sucré.

Oui ! J’ai eu ce malheur : entendre de la voix
De celle que j’aimais la fin de notre histoire :
Se rendre à l’évidence, éteindre tout espoir
Etait alors pour moi la meilleure des voies.

L’addition de six ans avait un goût salé.

Voltaire avait son art pour clamer la nuance
Je veux en son honneur la raviver encore
Et pour cela montrer comment varie l’accord
Des mets du quotidien qui nourrissent la panse.

Un jour tantôt sucrés un autre plus salés
Ils peuvent en un instant étonner vos papilles:
Déployer la douceur de la fleur de vanille
Aussi bien que l’aigreur d’un pistil d’azalée.

La vie est un diner qu’il faut réinventer

Equinoxe

Un parfum doux amer aux allures d’Automne,
Une note piquée résonnant d’un doux ton,
Une femme si seule accompagnée d’un rond,
Une vie égayée dans ses jours monotones…

Le mélange astucieux d’un nez fort dépourvu,
La mélodie géniale errant dans l’agonie,
Le souffle harmonieux d’une mère qui nie,
L’espoir d’être immortel, l’avenir déjà vu…

Tous ces mots incertains, ces desseins si précis,
Tout le grand paradoxe empli dans un seul verre,
Toute la modestie que possède un revers :
En moi me laisseront un goût des plus exquis…

Au carr’four de nos vies

Au carr’four de nos vies
Où les visag’ se croisent,
Les trajectoir’ dévient
Et l’horizon nous toise,

Les corps fragil’ se frôlent
Lourds grains de sablier,
On jette à terre les rôles
Que l’on veut oublier;

Les soleils se confondent
Dans un ciel obscurcit,
La lune est plus profonde
Et le cœur se durcit;

Le flou telle une brume
S’abattant sur l’esprit
Nous inspecte et puis hume
Nos rêves incompris;

De multiples lumières
Disparaissent, reviennent,
Comme un phare en lisière
D’un abyssal bestiaire;

Les vagues d’émotions
S’agitent bruyamment,
Fracturant les notions
Solides des amants.

Et dans ce grand fracas
Un geyser de désirs,
Balayant nos tracas,
Jaillit pour nous saisir!

Hors du temps

C’était un soir d’automne où l’air frais voyageait
Un grand tapis cuivré recouvrait les trottoirs
Les lumières dorés du grand hall de la gare
Étourdissaient mon cœur impatient et léger.

Tu étais là, enfin, mes yeux te retrouvaient,
Charmante et réservée comme à ton habitude,
Ton baiser traduisait nos lots d’incertitudes,
Mais qu’importe j’avais envie de nous rêver.

Nous prenions le tramway, tu nommais mon désir !
Sur le chemin, les Ducs, nous saluaient brillamment
Comme pour révéler que sous le firmament
La ville à tes côtés ne faisait que grandir…

J’avais pour ton accueil au cœur de notre alcôve
Imaginé des fleurs, hôtesses parfumées,
Quelques doux chocolats que tu me dis aimer
Mais aucun numéro où l’on montre les fauves…

Fenêtre sur le monde à regarder Marseille,
Dans les bras l’un de l’autre allongés sur le lit
Nous goûtions enfantins, simplement de la vie
Un instant quotidien affublé de merveilles.

Nous discutions de tout et ce n’était pas rien,
Nous reconstituions les pièces d’existence
Dont nous n’avions encor’ pas la moindre conscience :
Le moment peu à peu devenait aérien.

Et tu as accédé alors à ma demande :
Figer pour moi le temps pour mieux se dévoiler,
Oublier les carcans, ensemble s’envoler
Vers l’horizon troublant où rien ne se commande.

Mon être vacillait découvrant ton trésor
Et La confiance alors écrasait ta pudeur ;
Tous tes mots de plaisir me faisaient grand honneur
Lorsque j’abandonnais mes lèvres à ton corps.

Jamais une minute a été aussi belle
Et je te remercie de l’avoir fait durer :
Car gravée dans ma chair je puis te l’assurer
Elle est pour moi bien plus que simple bagatelle.

Purgatoire bleu

Abjectes tentations, ostracismes terribles,
Maux de toute raison emplis d'humanité
Caresses du coquin, débits de vanité :
Vous vous jouez de nous, taquinez l'admissible,
Abjectes tentations, ostracismes terribles.

Espérance douteuse ayant goût de l'amer,
Paradis escompté lors de frêles balades
Au clair de la gaîté à l'abris de brimades :
Tu n'es que tromperie, tous les doutes d'Homère !
Espérance douteuse ayant goût de l'amer.

Substitut d'équilibre empreint d'ignominie,
Univers d'avatars abolissant les lois,
Tu dévores mon cœur d''un profond désarroi,
En terrible rapace au fond tu créés ton nid,
Substitut d''équilibre empreint d''ignominie.

Destinées de misère embellies de mensonges,
Avenirs incertains aux troublantes allures :
La fantaisie se meurt en vos biens tristes murs,
Se trouve emprisonnée par les maux qui la rongent
Destinées de misère embellies de mensonges…

Gonflé de vanité, paysage de fous,
Tu laisses résonner les sons de ton orgueil
Et l’écho distendu de ces âmes en deuil,
T’accable à l’infini pour ton fléau le sou,
Gonflé de vanité, paysage de fou.

Le crépuscule hideux qui trône sur ce monde
Effraie d'hypocrisie nos pitoyables cœurs,
Qui sous le nom d'amour font passer nos ardeurs,
Alors qu’ils glorifient en solitaires rondes
Le crépuscule hideux qui trône sur ce monde…