Equinoxe

Un parfum doux amer aux allures d’Automne,
Une note piquée résonnant d’un doux ton,
Une femme si seule accompagnée d’un rond,
Une vie égayée dans ses jours monotones…

Le mélange astucieux d’un nez fort dépourvu,
La mélodie géniale errant dans l’agonie,
Le souffle harmonieux d’une mère qui nie,
L’espoir d’être immortel, l’avenir déjà vu…

Tous ces mots incertains, ces desseins si précis,
Tout le grand paradoxe empli dans un seul verre,
Toute la modestie que possède un revers :
En moi me laisseront un goût des plus exquis…

De nos vies

Durant ces six années, je t’ai porté aux nues
De mon cœur tu étais la gardienne sacrée
Nos moments partagés aux doux reflets nacrés
De bonheurs nourrissaient ma vie en continue.

D’abord je t’ai connue, femme forte et fragile
A la fois, sur ta peau, la fleur de ton passé
Déposait son vertige et tu te surpassais
Au fil de nos saisons modelant notre argile.

La Nature en ton sein t’offrit ses mille charmes :
Un éclair de génie éclaira ton esprit
La Beauté sans pudeur t’ouvrit ses draperies
Et de la Volonté tu recueillis ses armes.

Nos vies se confondant nous vivions harmonieux,
Apprenions à aimer pour notre vraie nature
Déposant nos envies sur notre conjecture
Nous construisions ensemble un avenir radieux.

Cent fois nous avons dit la force de nos liens,
Cent fois le ventre noué nous pensions à l’autre,
Vibrant pour une étreinte à vouloir la vie notre
Nos cœurs ne voulaient croire aux effrois cartésiens.

Nos proches nous disaient former un beau duo,
La famille appréciait être à notre contact :
Nos joies avaient alors à leurs yeux un impact
Et nous resplendissions aux sons de leurs échos.

Accroître nos savoirs, toucher la connaissance,
Abreuver nos esprits de lectures savantes
Elever nos milieux aux personnes brillantes :
Nous formions par l’esprit une éclatante alliance !

Aux portes de nos vies la faute est survenue :
Cette faute sournoise inscrite dans ma chair,
Qui m’a fait perdre alors l’être qui m’était cher
Je la regrette encore : quel acte saugrenu !

Parfois la mécanique échappe à tout humain
Et la complexité des forces en présence
Assombrie l’énergie, jusqu’à même l’Essence
Où un acte mauvais s’y nourrit assassin.

Se perdre et puis renaître avec plus de panache
Tel un Phoenix ardent rejaillir des eaux troubles,
Laver toute blessure et les soigner en double
Pour raviver enfin les couleurs des attaches,

Il faut savoir déjouer les pièges de la vie,
Dépasser la souffrance immense qui nous ronge
Réapprendre sans doute à plonger dans un songe
Où le plus beau alors est de donner envie.

Gracieux élan

Indomptable musique, en rythmant la lenteur
De ma vie endiablée tu chasses en ma portée
La ronde monotone, insatiable, emportée,
Pour une syncopée décrochée des hauteurs.

A peine démarré ; ton exténuant concert
M’emplit d’une allégresse insouciante et si douce
Se baladant en moi composant à la source
La symphonie d’amour, flamboyante et sincère

Mes mots sont un néant au regard de tes chants
Et bien heureux celui qui comprend ton langage
Et qui face à la phrase initie le partage.

C’est donc en amateur de ton art si touchant,
Que je salue bien bas ta divine prestance,
Toi qui m’éblouiras durant mon existence.

Au carr’four de nos vies

Au carr’four de nos vies
Où les visag’ se croisent,
Les trajectoir’ dévient
Et l’horizon nous toise,

Les corps fragil’ se frôlent
Lourds grains de sablier,
On jette à terre les rôles
Que l’on veut oublier;

Les soleils se confondent
Dans un ciel obscurcit,
La lune est plus profonde
Et le cœur se durcit;

Le flou telle une brume
S’abattant sur l’esprit
Nous inspecte et puis hume
Nos rêves incompris;

De multiples lumières
Disparaissent, reviennent,
Comme un phare en lisière
D’un abyssal bestiaire;

Les vagues d’émotions
S’agitent bruyamment,
Fracturant les notions
Solides des amants.

Et dans ce grand fracas
Un geyser de désirs,
Balayant nos tracas,
Jaillit pour nous saisir!

Hors du temps

C’était un soir d’automne où l’air frais voyageait
Un grand tapis cuivré recouvrait les trottoirs
Les lumières dorés du grand hall de la gare
Étourdissaient mon cœur impatient et léger.

Tu étais là, enfin, mes yeux te retrouvaient,
Charmante et réservée comme à ton habitude,
Ton baiser traduisait nos lots d’incertitudes,
Mais qu’importe j’avais envie de nous rêver.

Nous prenions le tramway, tu nommais mon désir !
Sur le chemin, les Ducs, nous saluaient brillamment
Comme pour révéler que sous le firmament
La ville à tes côtés ne faisait que grandir…

J’avais pour ton accueil au cœur de notre alcôve
Imaginé des fleurs, hôtesses parfumées,
Quelques doux chocolats que tu me dis aimer
Mais aucun numéro où l’on montre les fauves…

Fenêtre sur le monde à regarder Marseille,
Dans les bras l’un de l’autre allongés sur le lit
Nous goûtions enfantins, simplement de la vie
Un instant quotidien affublé de merveilles.

Nous discutions de tout et ce n’était pas rien,
Nous reconstituions les pièces d’existence
Dont nous n’avions encor’ pas la moindre conscience :
Le moment peu à peu devenait aérien.

Et tu as accédé alors à ma demande :
Figer pour moi le temps pour mieux se dévoiler,
Oublier les carcans, ensemble s’envoler
Vers l’horizon troublant où rien ne se commande.

Mon être vacillait découvrant ton trésor
Et La confiance alors écrasait ta pudeur ;
Tous tes mots de plaisir me faisaient grand honneur
Lorsque j’abandonnais mes lèvres à ton corps.

Jamais une minute a été aussi belle
Et je te remercie de l’avoir fait durer :
Car gravée dans ma chair je puis te l’assurer
Elle est pour moi bien plus que simple bagatelle.

Le plaisir nu

Une fois oublions nos quotidiens décors
Pour enfin lâcher prise et dans les errements
Penser aux lendemains qui chantent fièrement
La vie qui nous exalte et fait vibrer nos corps

Lisons main dans la main cet horizon brûlant
Où le soleil, discret, se camoufle en chandelle
Où les nuages blancs, bel écrin de dentelles
Accueillent nos plaisirs en heureux confidents.

Sans pudeur, livrons nous aux jeux les plus intimes,
Chavirons dans la chair avilissante et folle,
Noyons-nous de baisers à la candeur créole
Je serai ton bourreau, tu seras ma victime
Et le crime assumé au creux de nos atolls
Restera incompris dans l’effroi unanime!

Et nous ferons rougir les vierges les plus prudes
Exhibant sur le sable une étreinte choquante
Tels des serpents hargneux, héritiers des bacchantes
Nous nous accouplerons dans les cris les plus rudes.

La friction de nos peaux claquera bruyamment;
La chair en éruption dans la forge des sens,
Arpège incandescent de la concupiscence
Brûlera nos baisers d’amants presqu’infamants.

Et lorsque tu jouiras dans l’abandon total,
Emplie d’une furie, violente, incontrôlable
J’encenserai tes seins d’un stupre inégalable
Qu’autrefois l’on trouvait aux forêts de santals.

Les amants incandescents

Maintes fois sur le feu nous avons attisé
Nos désirs les plus fous en amants inconscients,
Et nos corps consumant nos vies électrisées
Brûlaient sur le bûcher d’un chaud ciel peint de cyan.

Nous nous délections des flammes d’un enfer
Que nous portions aux nues tel un fier paradis;
Pareils à des guerriers, nous croisions le fer,
Avec nos chairs durcies par ce doux incendie.

Nos regards crépitaient de passions dévorantes
Prenant de chaque instant des clichés mémorables,
Nos veines traversées par une lave ardente
Rythmaient chaque bouffée de nos danses de Diable.

L’impétueuse fièvre affurait nos raisons
De cuisantes visions des ribotes antiques
Et l’Echo, caressé par le chant des liaisons
Se souviendrait longtemps de nos pouls frénétiques.

Comme un volcan vivace entrant en éruption
D’épais et sulfureux nuages de nos sels
Se formaient au-dessus de nos peaux en fusion
Contrastant le magma qui glissait sur nos ailes.

Comment ne pas se perdre en ces instants violents
Où la raison alors cède le pas aux sens
Où le coeur martelé de flots ensorcelants
S’abandonne absolu sur l’autel des jouissances!

Réponse du jeune homme

Madame, permettez, humblement que je puisse
Ébranler la vertu de votre identité :
Jupiter magnanime aurait pu de sa cuisse
Tout au plus retirer vos monts de vanité,
Tant les faibles espoirs que vos pleurs réussissent
A vous faire Vénus, drapée de dignité,
Se noyaient sans appel dans vos sombres rivières,
Où vous lâchiez sans honte un long flot de vipères.

J’ai ouïe dire l’Amour, en temps appropriés,
Sait révolutionner l’homme le plus volage »
Et porter dans son cœur par les plus doux voilages
Un céleste transport qu’on n’oserait prier!
Moi je trouve insultant de fonder sur mon âge
Des errements d’idées qui voudraient mettre en cage
A coups de jugements l’ardeur dont vous riiez!

Non! L’alcôve éthérée n’est pas votre apanage
Sous couvert qu’un beau jour vous vous soyez mariée!
Au contraire, je lis sur l’encre de vos pages
Tout le poids d’une aigreur née d’un songe avarié…

Rêvez donc à ce champs qui pour vous m’est si cher,
Ainsi qu’à vos fruits d’or dont je serais friand :
Examinez leur robe et voyez leur brillant!
Cachent-ils dans l’éclat des années de jachère?
Ont-ils dans leur parfum l’expression surannée
D’époques révolues où l’on goûtait leur chair?

Je crois que le printemps qui aimait pavaner
A l’ombre du zénith vous offrant quelques grâces
Reprendra dans ses nuits les faveurs du Parnasse
Si sur l’arbre je vois votre fleur se faner.

Mais il ne tient qu’à vous de ne pas dépérir
En laissant s’assécher vos terres d’émotions :
Je voulais simplement, jardinier conquérir
Votre être en l’arrosant de ma dévotion…
Aujourd’hui acceptez que je puisse guérir
Vos manques d’affection d’un trait de ma potion :
Buvez donc lentement ce précieux élixir,
Il est pour votre vie sa plus forte caution!

Lettre à un jeune homme

Vous n’avez cher jeune homme aucun des apparats
Que je recherche ainsi chez un semblable âgé,
Et le poids des années m »aura bien ravagé
Avant que votre charme, affaibli, soit ingrat.

Prenez la liberté ! Oubliez donc nos liens !
Songez aux dulcinées que vous pourriez avoir,
Aux prêtresses d’amour, jouvencelles d’un soir,
Songez à ces plaisirs qui ne sont plus les miens
Avant de vous plonger dans l’aveu d »un espoir.

Comme un fruit au soleil qui ne saurait pas mur
Appelant au secours une bouche gourmande,
N’ayez pas l’illusion en mes yeux vert amande
De pouvoir instamment quitter votre ramure :
Je ne suis pas fermière à porter l’houppelande !

Vous n’avez pas idée, de la vie, des remous,
Qui troublent un esprit et forge l’expérience !
Et je pressens déjà l’ardeur de votre essence
Encline à s’évanouir au moindre contrecoup,
Révélant au grand jour sa faible consistance;

Hâtez vous! N’ayez crainte à la lueur tombée,
D’élever votre voix aux destinées fécondes,
D’implorer en chantant la grande lune blonde
Afin que vous puissiez de l’Amour succomber
Sans déjà qu’il s’enfuit à la prime seconde…

Je laisse donc au Temps le plaisir d’élever
Votre âme juvénile aux méandres subtils,
A ces leurres sournois de la vie versatile,
Dans lesquels, sans valeurs, on s’oublie dériver
En glissant, lentement, dans la souille infertile !

Avarice

Il était un village où, sous un toit brillant,     
Rongé d’une avarice aussi laide qu’infâme
Un homme vivait bien, sans chérubin , ni femme
Et gaspillait son temps à paraître éclatant.

Qu’il eut été en or, en bronze ou en argent
L’objet dans sa lumière avait plus d’importance
Que l’Amour du prochain, sans grande consistance.
Ainsi allait sa vie : il méprisait les gens.

Cependant une nuit changea ses habitudes :
Le sort lui réserva quelques vicissitudes…

De remords il fut pris, lorsque grand égoïste
A sa table, tout seul, sans honte il festoyait,
Alors que de sa vitre au dehors il scrutait
Un homme famélique appeler d’un air triste.

Il se dit je vais donc proposer la pitance
A ce vieillard hideux aux allures de squelette.
Il entre-ouvra la porte empli de repentance
Et tendit brusquement à ce pauvre une assiette.

"-Je préfère mourir de faim ou de fatigue,
Plutôt que d’accepter vos élans de pitié :
Souvenez-vous des soirs où vous meniez l’intrigue
Plutôt que de sauver vos restes d’amitiés !"

Les mots de ce vieux sage étaient d’une violence
Étonnamment puissante, emplis de vérité:
Notre homme resta coi, figé de gravité,
Se demandant alors la fin de l’opulence.

Des deux hommes ce soir, quel était le plus digne ?
Lequel avait compris le sens de la richesse ?
Le premier sans échoir se rêvait en altesse
Tandis que le second irradiait tel un cygne.

Le paraître parfois floute nos jugements
Orientant nos desseins sans vivre fièrement.