Lettre à un jeune homme

Vous n’avez cher jeune homme aucun des apparats
Que je recherche ainsi chez un semblable âgé,
Et le poids des années m »aura bien ravagé
Avant que votre charme, affaibli, soit ingrat.

Prenez la liberté ! Oubliez donc nos liens !
Songez aux dulcinées que vous pourriez avoir,
Aux prêtresses d’amour, jouvencelles d’un soir,
Songez à ces plaisirs qui ne sont plus les miens
Avant de vous plonger dans l’aveu d »un espoir.

Comme un fruit au soleil qui ne saurait pas mur
Appelant au secours une bouche gourmande,
N’ayez pas l’illusion en mes yeux vert amande
De pouvoir instamment quitter votre ramure :
Je ne suis pas fermière à porter l’houppelande !

Vous n’avez pas idée, de la vie, des remous,
Qui troublent un esprit et forge l’expérience !
Et je pressens déjà l’ardeur de votre essence
Encline à s’évanouir au moindre contrecoup,
Révélant au grand jour sa faible consistance;

Hâtez vous! N’ayez crainte à la lueur tombée,
D’élever votre voix aux destinées fécondes,
D’implorer en chantant la grande lune blonde
Afin que vous puissiez de l’Amour succomber
Sans déjà qu’il s’enfuit à la prime seconde…

Je laisse donc au Temps le plaisir d’élever
Votre âme juvénile aux méandres subtils,
A ces leurres sournois de la vie versatile,
Dans lesquels, sans valeurs, on s’oublie dériver
En glissant, lentement, dans la souille infertile !

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